L’Eglise du IIIème millénaire

Richard Meier, architecte américain de 76 ans* et de renommée internationale,
a depuis quelques années contribué à faire de Rome, une capitale européenne,
dont le prestige de son architecture ne repose plus sur son passé.
En parallèle à son activité d’architecte, il est aussi peintre dilettante,
pratiquant la technique du collage à ses heures perdues.
Richard Meier réalise de nombreuses maisons particulières; parmi les plus connues,
citons la célèbre Maison Douglas au bord du lac Michigan; mais aussi de nombreux musées,
dont un situé au cœur du centre historique romain**. Rome est une ville que l’artiste connaît bien.
Etant jeune, il y fut pensionnaire auprès de l’Académie Américaine.
En 2008, cet architecte reçut l’une des plus prestigieuses récompenses attribuées à des artistes américains:
l’Arts Gold Medal.

Au grand dam des amateurs d’art contemporain et de moi-même, l’Eglise Dives in Misericordia, trop loin du centre historique, ne peut être inclue dans nos circuits. Située dans un quartier communément appelé Tor Tre Teste, en raison de la découverte sur ces lieux d’un bas-relief représentant 3 têtes, son édification est liée aux préparatifs du Grand Jubilé de l’an 2000. Un vaste programme intitulé « 50 Eglises pour Rome 2000 » lancé par le pape Jean-Paul II, prévoyait la construction en périphérie de Rome de ces nombreuses églises, dont une, destinée à commémorer cette année sainte. Un concours international sur invitation fut lancé et Richard Meier en sortit vainqueur. Son projet audacieux et évocateur, répond en effet, parfaitement aux attentes d’une église qui se tourne vers un nouveau millénaire.

Caractérisée par 3 grands arcs de ciment blanc, symbolisant les voiles d’un bateau gonflées au vent, l’église se veut être un vecteur qui conduira les fidèles vers ce 3ème millénaire. Le chiffre 3, hautement symbolique, évoque la Trinité. En outre, la position atypique de l’autel à l’occident, soit à la poupe, symbolise le moteur du navire. Un navire qui fait appel à la mémoire de la Navicella***, le bateau de l’apôtre Pierre.

La portée symbolique de cette œuvre architecturale est extrêmement riche, complexe, mais aussi très innovatrice. Meier adopte un plan en forme de coquille et renonce au plan traditionnel (croix grecque, latine ou plan circulaire).

Malgré ses aspects nouveaux, cette église reste conforme aux idées de l’artiste, où la lumière joue un rôle fondamental. Elle sculpte l’espace et crée un dialogue constant entre les intérieurs et les extérieurs. On parle souvent de Meier comme étant un créateur d’espace et de lumière. On décrit ses monuments avec ces mots abstraits, mais il y a chez cet artiste un usage contrôlé et réfléchi de la lumière, dans le but de créer des espaces fonctionnels.

Bien que la façade, une partie de la toiture, ainsi que l’abside plate soient vitrées, les voiles sont disposées de manière à ne pas faire entrer directement les rayons du soleil, afin de ne pas importuner fidèles et officiants. L’église, radieuse, devient ainsi source de lumière et de vérité. Cette impression d’église découverte, sans toit, crée un lien direct et continuel avec Dieu. Meier connaît la différence entre un mur plein et un mur de verre. Tous deux ne clôturent pas l’espace de la même manière.

Cette façon de composer les espaces au moyen de la lumière et l’utilisation de lignes courbes, évoquent les architectures de Borromini, que Meier connaissait bien. Mais c’est surtout l’héritage de Le Corbusier, et à un degré moindre, l’œuvre de Franck Lloyd Wright, qui influenceront profondément l’artiste dans son travail sur la lumière, l’agencement de l’espace et sa prédilection pour le blanc. A ce sujet, le blanc éclatant des surfaces est le produit d’une très haute technologie: le TX Millenium, un nouveau ciment blanc autonettoyant conçu pour les besoins de cette église.

* Richard Meier est né le 12 octobre 1934 à Newark, New Jersey, Etats-Unis.
** Musée de L’Ara Pacis.
*** La Navicella: Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils disaient : « C’est un fantôme », et la peur leur fit pousser des cris. Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance ! C’est moi ; n’ayez pas peur ! » Mt 14, 25-27)
Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau. » Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. Mais, voyant qu’il y avait du vent, il eut peur ; et, comme il commençait à s’enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! » Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba. (Mt 14, 28-32)